Vrai ou faux mort né ?

Les prémices de l’Etat Civil laïque après la Révolution posent visiblement beaucoup de questions à Pierre Roques, agent municipal en charge de recevoir les actes de naissances, mariages et décès du village de Prix (commune de Causse-et-Diège, Aveyron) en l’an VI de la République.

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 » … est comparu le citoyen Mathurin Lacals … lequel m’a déclaré qu’Antoinette Lacals sa fille épouse de feu François Bergon en légitime mariage veuve depuis environ six mois est accouchée ce jourd’hui premier floréal à neuf heures du soir dans sa maison située au dit lieu de Prix d’un enfant male dont la vie se trouve en péril imminent … je me suis demy heure plus tard rendu dans la ditte maison … Marie Gautie sage femme m’a presente le dit enfant … disant quil n’y avoit qu’un instant  que l’enfant étoit vivant et quelle ignorait encore qu’il fut mort »

de là s’en suit une minutieuse enquête de la part de l’officier afin de déterminer la vérité de cette déclaration après avoir constater que l’enfant présenté à lui ne faisait preuve d’aucun signe de vie : l’enfant est il né vivant ou mort ? les témoins interrogés affirment l’avoir vu bouger les jambes, l’autre l’a vu bouger les jambes et les lèvres. Oui mais combien de temps a t’il vécu dans ce cas ? l’une déclare qu’il a vécu quelque temps, l’autre déclare qu’il avait vécu trois quarts d’heures, la dernière déclare qu’il a vécu longtemps.

Alors que dans les registres précédemment consultés la place des morts nés suscite apparemment très peu d’intérêt, n’apparaissant que brièvement dans le cas d’un ondoiement pratiqué en urgence, ici notre officier attache visiblement beaucoup d’importance à la durée de vie de l’enfant !

Quel type d’acte rédiger ? il ressort qu’en général à cette période les officiers d’état civil établissent un seul acte de décès en cas de décès in utero pendant l’accouchement ou de décès très précoce (moins d’une heure de vie) et deux actes (naissance et décès) lorsque l’enfant nouveau-né a vécu quelque temps (au moins une heure). D’où le dilemme !

Dès l’an III (1795), pour préciser la forme des actes d’état civil, l’autorité se soucie pour la première fois de la déclaration et de l’enregistrement des mort-nés : « une décision du Comité de législation en date du 8 thermidor an III [26 juillet 1795] a seulement prescrit à chaque municipalité de recevoir les déclarations relatives aux enfants mort-nés, et d’en faire mention sur les registres de l’Etat civil, et cela pour la sûreté et la tranquillité des familles ».*

Peut être aussi car son père est précédemment décédé. A ce propos, un article passionnant à l’adresse suivante :

*Vincent Gourdon, Catherine Rollet« Les mort-nés à Paris au XIXe siècle : enjeux
sociaux, juridiques et médicaux d’une catégorie statistique », Population 2009/4
(Vol. 64), p. 687-722 :

 » Un enfant non viable est incapable de succéder, et de lui nul ne peut hériter. Seul l’enfant né vivant et viable, même s’il a vécu un court instant seulement, ouvre droit à l’héritage de ses parents ou du parent survivant. Un homme, par exemple, dont l’épouse expire en accouchant et dont l’enfant meurt à deux jours, héritera de son fils des biens transmis par sa mère décédée ; de même si c’est l’époux qui décède, sa veuve héritera de son enfant. En revanche, en l’absence d’enfant, le mari (ou la femme) ne peut hériter de son conjoint. »

Quoiqu’il en soit, la dite Antoinette est mon aïeule. Elle se remariera l’année suivante avec Pomié Jean Baptiste à Villeneuve d’Aveyron et aura 4 enfants. Elle décède en 1810. Je pars désormais en quête des actes notariés, acte de mariage et testament en particulier.

 

 

 

 

 

 

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